Pas de Calais !
Que n’ai-je entendu, enfant et plus tard, que nous ne sommes pas en Flandre.
Que ses habitants, ainsi que ceux de la Picardie, sont différents, moins bien que nous, évidemment.
Que vont être « Les Hauts de France » si l’on considère que les gens de la Flandre et de la Picardie doivent en dire autant de nous ?
Selon A. Mabille de Poncheville, dans l’excellent « Histoire d’Artois », publié en 1935 aux Éditions Boivin & Cie :
« La notion de l’Artois, toujours vivante sous la dénomination officielle de Pas de Calais, ne se laisse pas aisément enfermer dans les limites, et il faut reconnaître qu’au premier abord elle apparaît difficile à préciser.
Un historien comme Jules Michelet, aussi bien qu’un géographe comme Onésime Reclus, confondent notre province avec la Flandre ou la Picardie, ses voisines. L’un la nomme à peine dans son « Tableau de la France », et met par erreur Lens en Flandre quand il dit de celle-ci :
« C’est là le coin de l’Europe, le rendez-vous des guerres ».
Ce qui, malheureusement, est aussi vrai de l’Artois. Il estime d’ailleurs d’une façon générale que :
« le tourbillon de la vie nationale atteint toute sa densité au Nord. ».
Quant au géographe, il place en Picardie la naissance de la Lys et de l’Aa, rivières pourtant issues toutes deux du terroir artésien. »
Querelles d’érudits ?
A chaque lecteur de l’apprécier…
A. de Mabille de Poncheville d’ajouter :
« Que l’Artois fut toujours le lieu d’échanges, tant spirituels que matériels, entre la partie germanique et la partie romane de la France du Nord. »
Citant avec humour les gens d’Amiens :
« Quand les souris mingeront les cats,
Le roi d’Arras seigneur sera. »

Toujours selon lui, l’Artois est l’antique contrée des Atrebates, dont Arras est la capitale, à une journée de marche à la ronde, soit 30/40 kilomètres. (Bapaume, St Pol, Béthune, Doullens, Douai, la Bassée…)
Le territoire des Atrebates s’est ensuite agrandi le Nord et l’Ouest, Thérouanne sur la Lys, St Omer sur l’Aa.
L’arrondissement d’Hesdin empiéta, lui, vers le Sud, sur la Picardie. L’Aa, le Neuf-Fossé et la Lys faisant office de Frontière d’un côté, l’Authie de l’autre.
Cette situation dura durant le moyen-âge, sous un œil bienveillant des Comtes de Flandre et d’Artois qui laissaient les villes développer une certaine indépendance « mutuelle ».
St Omer et Arras, par exemple, croissaient en une saine rivalité au XIIè siècle, devenant de véritables républiques marchandes.
L’architecture d’Arras témoigne de la richesse dont elle jouissait à cette époque.
Depuis Philippe-Auguste, les rois de France voulurent s’approprier l’Artois.
Ce ne se fit pas sans effusions de sang contre un peuple descendant des fiers et indépendants Atrebates.
Les ducs de Bourgogne furent plus subtils :
« le ménageant habilement, utilisant sa fougue et son endurance comme ils eussent fait d’un cheval de sang. »
Ils aimèrent l’Artois, notamment Hesdin qui leur rendit.
1383-1477 eut lieu un retour de la prospérité de l’Artois.

Arras tisse, la tapisserie de haute-lisse, les fameux « arrazi », connus dans le monde entier.
Au point que les Italiens désignent leurs tapisseries sous le nom courant “d’arazzi” (“arras” en Angleterre)
Ces tapisseries d’Arras sont aujourd’hui devenues si rares que l’on imagine pas le succès qu’elles ont eu. Arras, célèbre depuis l’époque gallo-romaine pour son industrie des étoffes, tout comme St Omer pour ses draps, excelle vite dans la création de tentures où se mêlent avec une remarquable finesse fils de laine, de soie, d’argent et d’or.
Les hauts faits de guerre de Philippe le Hardi ou de Charles le Téméraire sont autant de prétextes à de somptueuses créations.
La ville a alors une intense activité industrielle.
Mais Arras, déjà en proie à des luttes politiques internes, victime des guerres qui opposent les ducs de Bourgogne aux rois de France,est rasée en 1477.

La population est décimée et chassée, l’économie détruite.
Louis XI, excédé par la résistance de ses habitants, exige qu’elle soit rebaptisée et peuplée de gens d’autres villes.
Les « lissiers » et leurs ateliers ne s’en remettront pas.
Souvent fondues pour en récupérer l’or et l’argent, détruites ou simplement oubliées, les tapisseries d’Arras ont pour la plupart disparu.
Louis XI a cru pouvoir soumettre l’Artois.
Il ne réussit qu’à le dresser contre lui.
Au XVIIè siècle, Louis XIV, ayant compris que l’on ne soumet pas un Artésien, changea de politique, respecta quelques traits de « caractère ».
L’Artois n’en devint pas moins de plus en plus étroitement rattachée à la couronne.
Comté, au roi de France, s’étale, grignote la Flandre, la Picardie, le Boulonnais et le Cambrésis.
Arras en est toujours la capitale, entourée d’Aire, St Omer, Béthune, Bapaume, Hesdin, Renti, Saint Paul, Pernes, Lens… .
1790

Le Boulonnais, le Montreuillois, le Calaisis, l’Ardrésis, le Comté de Guines sont rattachés à l’Artois ainsi que les pays de Lallen, Langle et Bredenarde.
L’Artois devient un département : le Pas de Calais.
[…] Artois, Flandre ou Picardie ? […]